Père divorcé : 48h pour payer, des années pour être entendu
- Justice & réglementation


Dans l’ombre des procédures de divorce, une réalité souvent méconnue se dessine : celle des pères qui luttent sur deux fronts simultanés : celui des difficultés financières et celui de l’accès à leurs enfants. Entre pension alimentaire, relogement précipité et droits de visite limités, ces hommes témoignent d’un parcours semé d’obstacles qui bouleverse leur identité paternelle.
Divorce : Un déséquilibre persistant dans l’attribution de la garde des enfants
“J’ai vécu la séparation d’avec mes enfants comme s’il s’était agi d’un rapt légal”.
Confie Daniel, 58 ans.
Son témoignage n’est pas isolé. Déjà en 2013, plus de 160 pères avaient répondu à un appel à témoignages lancé par Le Monde pour exprimer leur sentiment d’injustice face aux décisions de garde.
“Dès qu’on parle de père et de mère, l’égalité homme-femme n’existe plus”
Déplore Vanno, 42 ans.
Sa demande de garde alternée pour son fils de 2 ans a été refusée, officiellement “pour préserver l’enfant de la relation conflictuelle entre ses parents”. Pourtant, le droit de visite classique qui lui a été accordé exposait tout autant l’enfant à cette même relation conflictuelle.
La lenteur judiciaire et l’étranglement financier dès la demande de divorce
“La justice familiale vient de me tuer. En toute impunité.”
C’est par ces mots que Yoan Lureault, entrepreneur et père de trois enfants, commence son témoignage poignant.
Engagé depuis trois ans dans une procédure de divorce qu’il n’a pas choisie, il décrit un système judiciaire lent et déconnecté des réalités économiques :
“Deux ans sans audience. Puis une première décision, rendue avec plus de deux mois de retard. 48 heures plus tard, je reçois un courrier m’ordonnant de verser une pension alimentaire. Immédiatement. Déconnectée de toute réalité.”
La dimension financière constitue un obstacle majeur pour de nombreux pères séparés.
Philippe, agent SNCF de 57 ans et père de quatre enfants, raconte :
“J’avais un mois pour quitter le domicile conjugal, avec droit de visite et d’hébergement de mes quatre enfants un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires. Et une pension alimentaire à payer. J’ai emménagé dans un studio de 16 m², trop petit pour les accueillir.”
Cette situation est loin d’être exceptionnelle.
Après une séparation, les pères doivent souvent faire face à une triple charge financière : trouver et financer un nouveau logement adapté à l’accueil des enfants, continuer à contribuer aux charges du logement familial où résident les enfants, et verser une pension alimentaire.
Cette équation financière devient souvent insoluble, surtout pour les pères aux revenus modestes.
Yoan Lureault décrit cette spirale infernale :
“On m’impose de payer seul le crédit d’une maison où je ne vis plus (et dont je peux être expulsé). De verser une pension alimentaire inadaptée. De payer un loyer. Et d’assumer seul les dépenses du quotidien.”
En tant qu’entrepreneur, sa situation est d’autant plus précaire :
“Pas de chômage. Pas de couverture. Pas de pause. Mais ça, la justice ne le prend pas en compte.”
Droit de garde et de visite réduit : un obstacle à la relation père-enfant
Nicolas, enseignant-chercheur de 52 ans et père de deux enfants, a obtenu la résidence alternée pendant deux ans avant qu’un juge ne tranche en appel en faveur de son ex-femme.
“Mon rôle a été réduit au service minimum. Un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires. Un temps insuffisant pour maintenir des liens de qualité”.
Il pointe un problème fondamental :
“Le week-end, c’est du temps hors-sol. Le cœur de la vie de l’enfant, c’est la semaine, avec l’école, les activités, les copains… Voir l’enfant seulement le week-end, ou durant les vacances, tient à distance le père, qui lui aussi devient hors-sol.”
Des pères divorcés sous surveillance et une justice autant sourde qu’aveugle
Christian, 42 ans, a obtenu la garde de son fils âgé d’un an après un long combat juridique. Il témoigne de la méfiance à laquelle il a dû faire face :
“Les nombreuses visites d’enquêteurs sociaux et leurs regards soupçonneux ont été difficiles à vivre. Ils brassent du vent dans le sens des clichés, ouvrent le frigo, paraissent surpris que l’on sache cuisiner, inspectent vos toilettes… J’ai eu l’impression face à eux d’avoir quelque chose à me reprocher et qu’il était obscène qu’un père demande la garde de son fils.”
Cette suspicion envers les pères qui revendiquent un rôle actif dans l’éducation de leurs enfants après une séparation est un phénomène récurrent.
“Un père qui se bat pour la garde de ses enfants est plus que suspect”
Résume Pierre, un autre père témoignant dans Le Monde.
Yoan Lureault dénonce quant à lui l’absence d’écoute du système judiciaire :
“Mon dossier était complet, chiffré, argumenté. Il n’a pas été pris en compte.”
Il pointe également le décalage entre les valeurs républicaines et la réalité vécue :
“On parle de liberté, égalité, fraternité. Liberté ? Aucune. Égalité ? Absente.”
Divorce : Un impact réel sur l’identité paternelle et la survie économique
Les conséquences de ces difficultés vont bien au-delà des aspects pratiques. C’est l’identité même de père qui est remise en question.
“Un père qui n’a pas la garde de son enfant est un père inexistant. Sauf quand il est question de payer”
Affirme Vanno avec amertume.
Philippe, séparé de ses quatre enfants, exprime une souffrance similaire :
“Moi qui voulais fonder une famille et éduquer mes enfants, j’ai pris la plus grosse claque de ma vie.”
Il ajoute :
“Si je n’avais pas leurs photos, je pourrais croiser mes deux derniers enfants dans la rue sans les reconnaître.”
Pour Yoan Lureault, la situation est devenue économiquement intenable :
“Aujourd’hui, je suis à découvert. Dans quelques semaines, je n’aurai plus aucune épargne. Mon seul bien personnel : une voiture estimée à moins de 3 000 €. Je ne sais plus comment assurer le quotidien.”
Il souligne l’absurdité mathématique de sa situation :
“Pas besoin d’un fichier Excel. Ça ne rentre pas. Même un enfant saurait faire la soustraction. La justice, elle, ne la fait pas.”
Vers une reconnaissance de la paternité post-divorce et séparation
Face à ces constats, certains pères militent pour une évolution des pratiques judiciaires.
Daniel propose de s’inspirer du modèle Canadien :
“Je ne trouve rien de plus simple et de plus intelligent que d’appliquer, comme au Canada, le principe suivant : donner la résidence principale des enfants au parent faisant le moins obstacle à l’autre parent.”
D’autres, comme Christophe, ingénieur informatique de 48 ans, ont réussi à obtenir la résidence alternée après une période conflictuelle.
“Je suis un papa moderne qui préfère s’occuper de son gosse que d’avoir un gros chèque à la fin du mois. Le bien-être de ma fille est plus important que ma carrière. La voir grandir et progresser est mon plus grand plaisir”.
Yoan Lureault, lui, interpelle directement la société sur l’incohérence du système :
“On appelle ça : l’intérêt supérieur des enfants. Mais où est cet intérêt quand un parent est mis à terre ? Économiquement. Humainement. Durablement.“
Les témoignages recueillis mettent en lumière la nécessité d’une approche plus équilibrée des séparations, qui tienne compte à la fois des besoins des enfants, des capacités parentales réelles de chaque parent, et des contraintes matérielles auxquelles sont confrontés les pères.
Car au-delà des statistiques et des procédures judiciaires, c’est bien de l’avenir d’enfants et de la préservation de liens familiaux essentiels dont il est question. Comme le résume Didier, 46 ans :
“Et les années défilent et les liens se coupent et l’éducation n’est faite que par un seul parent… et l’enfant dans tout cela ?”
Sources :
– Le Monde (2013). “J’ai vécu la séparation d’avec mes enfants comme un rapt légal“.
– Deslauriers, J-M. et Dubeau, D. (2019). L’expérience de pères ayant des difficultés d’accès à leur enfant après une séparation. Enfances, Familles, Générations.
– La Croix (2020). La souffrance des pères coupés de leur enfant.
– Témoignage de Yoan Lureault (2025) au Journal Économique.
Moi ce qui me révolte c’est le comportement de la CAF du 93. Les agents ont des a priori et ignorent sciemment les difficultés du père. Alors que la mère qui a un patrimoine de plus d’un million d’euros des revenus 2,5 plus élevés que les miens je paye en fait 2 fois le montant de la pension alimentaire. En effet le divorce a engendré des coûts énormes la perte de mon travail et des galères sans nom. Mais aucune écoute que des taxes et du mépris. Quant à la mère c’est vacances en Inde en Corse un loft etc…